Haïti

(A noter que la liste est énumérée par ordre alphabétique dans le proces verbal mais nous l’avons réorganisée par zone géographique, pour plus de clarté.)

Nous n’avons pas encore trouvé de renseignements précis concernant les personnes et les entités qui ont été à l’origine de la mise sur pied du premier comité national haïtien de l’icom. Mais il s’agit vraisemblablement de personnalités du monde culturel et muséal et de collectionneurs (d’œuvres d’art et de pièces archéologiques et numismatiques). Nous pouvons avancer les noms de Gérard Mentor Laurent, conservateur du Musée national d’Haiti, de Kurt Fisher (archéologue et collectionneur), Jean Fouchard (historien), Dewitts Peters (artiste, fondateur du Centre d’art) et du Frère Yves, responsable de la Bibliothèque Saint-Louis de Gonzague des Frères de l’Instruction chrétienne. Ce dernier par la suite représenta Haiti à la première Biennale de Paris, tenue du 28 juin au 3 juillet 1948.

Le Comité national haïtien, créé en 1946, reçut le soutien du président de la République d’alors, Dumarsais Estimé, qui voulait célébrer grandiosement le deuxième centenaire de la fondation de Port-au-Prince en 1949. En effet, la ville de Port-au-Prince a été fondée en 1749 par des colons français, sur l’emplacement de l’actuelle capitale du pays. Dans le cadre de la planification de cette commémoration, le President de l’icom d’alors, Chauncey J. Hamlin effectua une visite officielle en Haiti en février 1949, à l’invitation du Président Estimé. Il fut alors « convenu que l’ICOM aiderait Haiti à réorganiser ses musées ». En vertu de cet accord, George-Henri Rivière, alors Directeur Général associé de l’icom, effectua une mission de deux mois en Haiti en 1949 et mis sur pied le musée du Peuple haïtien et le Pavillon des Beaux-Arts. Le cœur des commémorations du bicentenaire de Port-au-Prince fut une exposition internationale qui compta avec la participation de nombreux pays. L’un des pavillons construits à cette époque subsiste encore aujourd’hui : le pavillon du Vénézuéla qui loge actuellement l’ambassade du Venezuela en Haïti.

Nous n’avons pas encore pu accéder aux documents attestant de la composition du premier conseil d’administration, et du nombre initial de membres du premier comité national haïtien. Mais, sur la foi des correspondances retrouvées aux archives de l’icom à Paris, il est sûr que le Musée national, dont le Conservateur à l’époque était l’historien haïtien de grande renommée, Gérard Laurent, en faisait partie et joua un rôle de premier plan. Pendant près de cinq décennies après sa création, le rayonnement et l’impact du comité national haïtien (icom Haiti) évolua en dents de scie. Après le rayonnement initial des premières années (1946 et la décennie des années 1950) le Comité national haïtien survécu tant bien que mal pendant soixante-quatre ans, jusqu’au tremblement de terre d du 12 janvier 2010.

Cette terrible catastrophe fut l’occasion d’un renouveau, grâce à la solidarité internationale. Le terrible séisme qui dévasta le pays et causa plus de 300 000 morts, fut l’occasion d’une certaine renaissance du comité national haïtien qui a pu bénéficier de la solidarité du monde muséal et patrimonial international. Des missions furent menées en Haiti non seulement par l’icom et certains de ses comités internationaux, mais aussi par l’icomos, le Bouclier Bleu (Blue Shield), le Smithsonian, pour ne citer que ces institutions. A souligner la collaboration avec l’icom international pour l’élaboration de la Liste Rouge et avec Interpol pour lutter contre le pillage des biens culturels pendant la catastrophe.

Dans le sillage de ces efforts, le 8 octobre 2010, le Comité national icom Haiti se dota de statuts, alignés sur ceux de l’ icom et se constitua légalement en association nationale sans but lucratif enregistrée au ministère compétent de l’Etat haïtien. Il a entre autres objectifs « de promouvoir la coopération, l’assistance mutuelle et l’échange d’informations entre ses membres, de représenter les intérêts des membres auprès du Secrétariat de l’icom ; de coopérer avec les comités internationaux de l’icom et les organismes nationaux et internationaux intéressés par les musées et les professions s’y rapportant ». La vingtaine de membres actuels d’icom Haiti sont conscients du rôle important à jouer pour la professionnalisation du monde muséal haïtien, la sauvegarde des collections, la sensibilisation du public et des dirigeants à la problématique du patrimoine en général et des musées en particulier.

Depuis le nouvel élan pris en 2010, l’on peut affirmer que icom Haiti a eu un impact certain sur le développement des musées locaux. Au tout début, le comité national icom Haiti a été une figure de proue dans l’appui aux musées fortement frappés par le séisme ou dans la réorganisation des musées haïtiens. Il a su créer un certain enthousiasme dans la société. Toutefois, depuis 2018, pour diverses raisons liées en grande partie au climat politique général du pays, le comité et ses membres font face à d’énormes difficultés. Sans vouloir entrer dans des détails aussi tristes qu’alarmants, l’on doit dire que les multiples crises sociopolitiques et économiques ont eu un impact négatif sur le secteur culturel et muséal haïtien. Cependant, en dépit de menaces et difficultés de toute sorte, les artistes, les créateurs et les musées ne baissent pas les bras. De nombreux groupes se tournent vers icom Haïti ou d’autres spécialistes du domaine pour les aider à préserver, partager et mettre en valeur leur patrimoine à travers les musées. Beaucoup de citoyens haïtiens se raccrochent à l’idée que « quand on aura tout perdu, seul l’art nous sauvera ». Il faut souligner en effet que de nombreux membres d’icom Haiti, tant par le passé qu’aujourd’hui, ont été des membres proéminents de la scène culturelle nationale.

Par ailleurs, des membres éminents d’icom Haiti ont toujours maintenu une collaboration avec l’icom et ses comités internationaux. Comme mentionné plus haut, icom Haïti, dès sa création, a maintenu des liens privilégiés avec l’ICOM aux plus hauts niveaux de gouvernance et a aussi établi des rapports de collaboration technique avec ses spécialistes. Des membres actuels d’ICOM Haïti sont actifs dans plusieurs comités internationaux : tels que le Comité international de muséologie (icofom), le Comité international de documentation (cidoc), le Comité international d’éducation et d’action culturelle (ceca) et le Comité international des résidences muséales historiques (demhist), par exemple. icom Haïti est aussi un membre actif du réseau francophone des musées et de l’alliance régionale icom lac et entretient des rapports étroits avec le réseau des musées de la Caraïbe (mac). icom Haiti a été membre du groupe de travail sur les comités nationaux de l’icom sous la présidence de Suay Askoy. Une des membres de icom Haiti, Rachelle C. Doucet siège actuellement au Conseil d’administration de l’icom pour un mandat de 3 ans qui prendra fin en novembre 2025.

Pour conclure, aujourd’hui, icom Haiti lutte pour sa survie. Le pays est aux mains des gangs qui saccagent, détruisent, vandalisent, pillent les biens, violent femmes et fillettes, kidnappent et assassinent les citoyens, en toute impunité. L’Etat haïtien est à genoux et impuissant à assurer la sécurité des vies et des biens. Pas étonnant que dans un tel contexte, la quasi-totalité des musées haïtiens soient fermés. Malheureusement je suis d’avis que « l’art seul ne pourra pas nous sauver ». La culture et les musées par eux-mêmes ne suffiront pas à réparer les fractures sociales profondes et nombreuses qui déchirent le pays.